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international bordercamp strasbourg

source: Liberation

Traitement limite pour les No Border: Silence de la justice après les violences policières de Strasbourg.

14.Sep.02 - «La police prétend qu'Ahmed a participé aux affrontements et qu'il s'est changé, mais c'est totalement faux, il est resté avec le même tee-shirt rayé.» Jérémie, un No Border Strasbourg, le sujet est pour ainsi dire tabou. Le directeur départemental de la sécurité publique, Jacques Signourel, a reçu l'ordre du ministère de l'Intérieur de pas s'exprimer sur les méthodes employées par ses services, en juillet, lors des manifestations No Border(lire encadré) et, fin août, contre les occupants de l'antenne de justice de Strasbourg. Tirs de flash-ball sur des manifestants, le 24 juillet, et tabassage de cinq militants, le 23 août, après que les policiers cagoulés du groupement d'intervention de la police nationale (GIPN) ont mis fin à l'occupation. Le parquet de Strasbourg garde le silence, et les militants, eux-mêmes, hésitent à parler. Ahmed Meguini, du Mouvement spontané – apparu lors de l'élection présidentielle –, a été condamné à huit mois de prison, dont trois ferme, le 21 août, pour des violences, qu'il conteste, contre un capitaine de police (Libération du 23/8/2002). Il a passé plus d'un mois à l'isolement, à la maison d'arrêt de Strasbourg.

Flash-ball

Le 24 juillet, les premières charges policières ont pour objectif d'empêcher qu'on tague un monument aux morts. Le policier est blessé – au poignet – à ce moment-là. «Ahmed et moi, on a un brevet de secouriste, raconte Jérémie. On avait intégré l'équipe médicale de la manif. Dès les premières charges, place de la République, on soignait les gens qui souffraient des gaz. Ahmed ne s'est battu à aucun moment. On reculait au fur et à mesure que ça gazait.» Quelques-uns enfilent la cagoule pour en découdre, mais c'est plutôt la débâcle. Ahmed est interpellé une heure après. Dispersé dans la vieille ville, le cortège, plus ou moins reformé et encadré par les CRS, a pris la direction du campement des manifestants, parc du Rhin. «J'étais à côté d'Ahmed, raconte Alexis, quand un policier, suivi par deux ou trois autres, est entré dans le cortège à coups de matraque, il est allé directement sur Ahmed, il l'a tiré et jeté dans le caniveau.» «La police prétend qu'Ahmed a participé aux affrontements et qu'il s'est changé, mais c'est totalement faux, il est resté avec le même tee-shirt rayé», rapporte Jérémie. C'est au moment de l'arrestation d'Ahmed qu'un premier policier a fait usage de son flash-ball. «On avait fait une chaîne, rapporte Guillaume. Le policier armé ne semblait pas me regarder. Et il a tiré sur moi, à 3 m à peine. J'ai reçu la balle en caoutchouc en haut de la jambe. J'ai eu le muscle de la cuisse déchiré, un hématome de 30 cm.» Un peu plus tard, un militant espagnol est touché au tibia par un nouveau tir de flash-ball.

Au procès d'Ahmed, le 21 août, les violences policières sont un peu hors sujet. Le capitaine blessé au poignet assure qu'Ahmed est son agresseur. Ahmed, qui porte une attelle à la suite de son arrestation, dément et réitère son engagement non violent. «L'unique témoin de l'accusation était absent, explique Me Frédéric Massiot, son avocat. La police n'avait pas entendu nos témoins.» Mais le parquet réclame huit mois ferme. Ahmed est condamné à trois mois ferme et renvoyé en prison.

Isolement.

Ses amis se mobilisent, mais ils sont attendus au tournant. Le vendredi 23 août, 17 d'entre eux investissent l'antenne du ministère de la Justice de Strasbourg. «On a sonné, et ils ont ouvert, raconte Nestor. On leur a proposé de sortir mais ils ont préféré rester.» La revendication du groupe porte sur l'arrêt de l'isolement d'Ahmed. «Les employés n'étaient pas séquestrés. On leur a offert des chocolats, eux nous ont proposé du café.» Par téléphone, une fonctionnaire reçoit l'ordre de quitter les lieux. Les occupants proposent une échelle. Mais, très vite, ils entendent un compte à rebours derrière la porte. «On a vu des gens cagoulés, tout en noir, avec des pinces hydrauliques», raconte Nestor. Le GIPN en mission spéciale. «Ils ont commencé à scier les gongs, et ils ont fait irruption avec boucliers, armes à la main, comme dans les films. On avait fait une chaîne, plus ou moins les mains en l'air. Ils ont défoncé une porte avec un bélier, des pièces qui avaient été fermées par les employés.»

Pris en chasse.

Des policiers en civil font leur entrée. «Ils m'ont dit : "Viens, on va faire un petit tour aux toilettes", rapporte un militant, là, ils m'ont mis à terre et ils m'ont tapé à coups de poing et de pied. Je me suis recroquevillé. Ils m'ont menotté et ont continué à me taper. Après, ils m'ont sorti des toilettes, et ils m'ont dit : "Mets-toi par terre et rampe avec les autres."» Un autre spontané, «Jésus» – son pseudo -, subit le même traitement. «Ils ont dit : "Lui, lui et lui", et ils nous ont amenés dans les chiottes. J'ai été giflé. Puis j'ai été mis à terre. L'un a mis le pied sur mon visage, les autres me donnaient des coups de pied.» Certains militants présents à l'extérieur sont pris en chasse. «On commençait à remballer la banderole, quand les flics de la BAC et quelques hommes cagoulés ont enjambé les barrières, en criant : "Le grand habillé en noir !" Ils ont attrapé le copain et ils l'ont roué de coups. Il a été conduit au commissariat. A l'hôpital civil de Strasbourg, le médecin de garde a relevé 160 points de contusion.»

Les 17 occupants sont accusés de «violation de domicile» et de «séquestration». Le parquet a réclamé un mois de prison ferme, mais le tribunal correctionnel s'est finalement déclaré incompétent – la séquestration relevant des assises. Le parquet fait appel, comme il a fait appel de la condamnation d'Ahmed, jugée trop faible. Ahmed est sorti de l'isolement, après avoir reçu la visite de plusieurs parlementaires – successivement du PCF, de la LCR, et des Verts. Le 8 octobre, il doit être rejugé en appel à Colmar. Une pétition est lancée et une marche est prévue, lundi, veille de l'examen de sa demande de remise en liberté (1). Les manifestants victimes de violence envisagent de déposer une plainte groupée.

(1) A Paris, place du Châtelet, à 18 heures. Les signatures sont collectées sur www.lapetition.com – «Libérez Ahmed».