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international bordercamp strasbourg

source: Le monde

Ahmed Meguini, sorti de l'isolement a la maison d'arret de Strasbourg, a fait appel de sa condamnation

06.Sep.02 - Le militant des "Spontanes", qui purge une peine de trois mois de prison pour "violences aggravees et outrages" contre un policier, a recu la visite d'une delegation des Verts.

Sorti depuis huit jours de l'isolement ou il avait ete place a la maison d'arret de Strasbourg, Ahmed Meguini, 25 ans, porte-parole du Mouvement des spontanes, condamne le 21 aout a trois mois d'emprisonnement pour "violences aggravees et outrages" contre un capitaine de police, lors d'une manifestation du mouvement antimondialisation No Border, le 24 juillet a Strasbourg

(Le Monde du 23 aout), a pu recevoir, jeudi 5 septembre, la visite de quatre deputes europeens Verts :

Daniel Cohn-Bendit, Alain Lipietz, Alima Boumedienne et Helene Flautre.

Selon cette derniere, le detenu n'etait "ni abattu ni combatif, mais arme de patience".

Lors d'une entrevue "chaleureuse" de pres d'une heure, Ahmed Meguini a explique sa resolution de faire appel, apres y avoir d'abord renonce.

"J'avais le sentiment que tout avait ete dit pendant le proces, qui avait notamment mis en lumiere les contradictions des temoignages des trois policiers, a-t-il observe.

Mais comme une telle inculpation aurait du aboutir soit a une relaxe, soit a une peine plus lourde, je crois possible de faire ressortir le caractere politique de cette condamnation pour l'exemple."

Avant que ses visiteurs ne le quittent, le militant, qui avait deja ete visite fin aout par la deputee communiste Muguette Jacquaint, les a charges d'un message pour le president de la Republique.

Le directeur de la prison, qui avait auparavant justifie l'isolement de M. Meguini par le souci de "le mettre a l'abri de la faune carcerale ", s'est saisi du texte en affirmant qu'il serait "faxe dans l'heure a son destinataire".

"Espace de 9 metres carres"

Ce message, que Mme Flautre a pu nous citer de memoire, resume l'etat d'esprit du jeune homme revolte : " Vous rappelez-vous de moi ?, lance-t-il a Jacques Chirac.

Le soir du deuxieme tour, j'etais devant votre QG pour dire que j'avais vote pour vous, ou plutot contre l'autre.

Moi, je ne vous oublierai pas, comme je n'oublie pas "le bruit et l'odeur".

Je vous conseille de vous entrainer a vivre dans un espace de 9 metres carres, car c'est vous qui devriez etre la ou je suis.

Mais nous ne lacherons pas l'affaire."

De fait, Ahmed Meguini est ne a la politique le 21 avril au soir – il venait de voter pour Noel Mamere –, apres l'annonce de la presence de Jean-Marie Le Pen au second tour.

Avec quelques camarades aussi "indignes" que lui, il s'est rue place de la Republique, et, en arrivant a la Bastille, ce garcon, aussi frele qu'impulsif, etait deja un militant, brandissant un poing qu'il n'a plus guere desserre.

Au sein du Mouvement spontane des citoyens, constitue dans la foulee de cette nuit du refus, Ahmed a ete l'un des plus actifs.

Lachant son emplo de chauffeur-livreur et son apprentissage de comedien, il n'a plus cesse de battre le pave aux cotes des militants du mouvement social.

Patrice Sladoni, militant d'AC! et animateur du Reseau des marches europeennes contre le chomage comme Annie Pourre, cofondatrice du DAL et de Droit devant, se souviennent pareillement de la ferveur et de l'enthousiasme de ce "pur idealiste, humaniste, integre et non violent".

On le retrouvera "reinvestissant le terrain des luttes" dans une ferme occupee du Larzac, debattant avec le ministre Jean-Louis Borloo, occupant la galerie des glaces de Versailles pour protester contre l'incarceration de Jose Bove, aux cotes des sans-papiers, enfin a Strasbourg, pour exiger la "liberte de circulation".

"Ni bagarreur ni casseur"

Auparavant, comme nous l'a explique Fatiha Meguini, sa mere – qui lui a rendu visite mercredi –, Ahmed, "gentil, genereux, ni bagarreur ni casseur", avait eu une existence presque ordinaire.

Ne en Haute-Savoie, d'un pere algerien qui combattit sept ans dans l'armee francaise et divorca apres la naissance d'un deuxieme fils, Ahmed a ete eleve par sa mere, d'origine marocaine.

De 7 a 16 ans, le garcon fait partie des jeunes sapeurs-pompiers. A 17 ans, apres avoir quitte son lycee prive et abandonne des etudes de comptabilite, il devance l'appel puis "rempile" et part a Sarajevo, dans un escadron antichar sous mandat de l'OTAN.

Trois mois plus tard, sa mere le retrouve dans un hopital parisien, blesse a la tete, traumatise.

"Je n'ai jamais rien pu savoir des circonstances de sa blessure. C'etait top-secret, et lui refusait d'en parler", raconte Mme Meguini

La nouvelle vie d'Ahmed sera marquee par l'instabilite. Il suit un temps son amie en Belgique, enchaine les petits boulots :

livreur de pizzas, vendeur dans la poissonnerie d'un hypermarche, demarcheur. C'est a Geneve, ou il sert dans un grand restaurant, qu'un chanteur le persuade de monter a Paris tenter sa chance dans le spectacle.

Il galere, zone un peu, hante des foyers sociaux et finit par reussir a s'inscrire au cours Florent. Il pense approcher de son reve. Jusqu'au 21 avril, ou une autre passion l'envahit : la revolution...

En attendant le proces en appel sur le fond, la demande de mise en liberte deposee par son avocat, Me Frederic Massiot, sera examinee le 17 septembre.

Robert Belleret