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international bordercamp strasbourg

source: Dernières Nouvelles d'Alsace

l'évacuation des locaux du ministère de la Justice

24.Aug.02 - Le vice-procureur a annoncé, hier soir, à l'issue de l'évacuation des locaux du ministère de la Justice, rue Gustave-Adolph-Hirn, à Strasbourg, qu'il allait engager des poursuites pour "séquestration" à l'encontre des 17 jeunes du "Collectif pour la libération d'Ahmed". Aux blagues, aux bons mots et aux slogans à l'emporte-pièce pourraient succéder de sévères grimaces...

C'est l'histoire d'un collectif bien organisé. Qui se présente aux portes de l'antenne régionale de l'équipement du ministère de la Justice vers 16 h, hier. Les 17 personnes entrent dans les bureaux, font savoir qu'ils vont les occuper et laissent les trois employés, deux hommes et une femme, libres de quitter les lieux. Puis se succèdent des scènes complètement surréalistes. Dans la rue, un important déploiement policier. Le GIPN qui arrive vers 17 h. Le vice-procureur Philippe Vannier qui se déplace sur les lieux. Les pompiers qui seront là plus tard à toutes fins utiles, de même que le SAMU... Un dispositif qui annonce déjà que les autorités ne comptent pas prendre cette affaire pour une vétille.

A la fenêtre, des otages souriants

Et pourtant, dans l'autre camp, on s'amuse, on plaisante. De la fenêtre, une jeune femme, membre du collectif, détaille à la presse et aux badauds les raisons de cette action : "Depuis le 26 juillet, Ahmed est totalement isolé, alors que c'est un délinquant primaire. Il ne voit personne, sauf son avocat. Nous avons un courrier, qui a été versé au dossier, qui dit qu'il est soumis à l'isolement en raison de sa participation à un groupe qui milite pour la fermeture des prisons - c'est faux - et en raison de ses idées générales qui pourraient troubler l'ordre." Au pied de l'immeuble, les journalistes notent. Des badauds commentent. Des sympathisants encouragent. Des policiers observent, impassibles, appuyés contre leurs voitures. Un peu plus tard, les trois employés se présentent à la même fenêtre. Ils sont souriants : "On reste pour le matériel". "Vous voyez, ils ont choisi de rester pour leurs locaux", commente un "preneur d'otages". "Et réclamez le paiement des heures sup' !", lâche un comparse. "Ah non !", proteste un des employés. Tout le monde se retire. Il reste à faire.

Les fax tournent

Le Collectif inonde de fax les rédactions. On téléphone aux journalistes. On se met en relation avec les camarades, à l'extérieur, qui se chargent des contacts avec la presse. La photocopieuse de l'administration est aussi mise à contribution. On fabrique des tracts sur un ordinateur, ils sont reproduits et jetés par dizaines de la fenêtre : « Fermeturedes centres de rétention", "Non aux expulsions". Un militant lit un communiqué de soutien du groupe Agir ensemble contre le chômage (AC) du Rhône. Un jeune homme passe la tête par une fenêtre et lance : "Est-ce qu'Amélie est là ? Amélie de l'AFP ? ». Réponse : "C'est moi". "T'as coupé ton téléphone ? On essaie de te joindre". Un employé du ministère de la Justice refait surface : "Paris demande à la secrétaire de sortir". Question au pied de l'immeuble : "Et vous ?" "Je reste, je garde le matériel". Matériel qui tourne à plein régime. Il ajoute : "Paris me demande de rester".

"Il nous faut deux journalistes"

Ça se complique. Une jeune femme : "On veut libérer la secrétaire, mais les policiers occupent le couloir et bloquent la porte de secours. Il nous faut deux journalistes." Les "preneurs d'otages" mènent leur affaire sur deux flancs : côté couloir, ils glissent au vice-procureur Philippe Vannier des demandes de parloir pour rencontrer leur camarade emprisonné. Côté fenêtre, ils commentent en direct les opérations, la radio tend son micro, la télé relance la caméra, les autres journalistes notent. Les téléphones chauffent. A 18 h 50, celui des reporters des DNA sonne : "Ils attaquent la porte, il y a des étincelles et de la sciure. Ils viennent". La conversation se poursuit, presque banale. "Ils sont là, ils entrent, ils visitent les locaux". Communication coupée. Dans la rue, les sympathisants devinent que l'occupation se termine, les slogans anti-policiers repartent de plus belle.

Echauffourées

Encore un instant et les 17 "preneurs d'otages" sont évacués par petits groupes, embarqués dans des fourgons et emmenés menottés au poste. Tout s'est passé sans violence. Et c'est dans la rue que les choses ont bien failli déraper. Alors qu'un groupe de manifestants continuait de scander des slogans, une altercation oppose une sympathisante du collectif à des agents. Des policiers manifestement usés par trois heures d'attente et de discussions ont perdu leur calme. Insultés, certains vont au contact des militants présents dans la rue, provoquant des échauffourées. Courses poursuites dans la confusion, officiers qui interviennent pour calmer les esprits : trois personnes, dont une femme, sont plaquées au sol, interpellées et emmenées au poste. L'heure n'est plus à la plaisanterie, l'ambiance a changé. Un peu plus tard, le calme revenu, le vice-procureur explique qu'il s'agit "d'une prise d'otage" et que les 17 membres placés en garde à vue auraient à s'expliquer sur "une séquestration". Le jeu est fini. La rigolade aussi...

Christian Bach